Missions Economique de Casablanca

 Un entretien avec Patrick Hervé, conseiller économique et commercial, chef de la Mission Economique

Patrick Hervé : Je pense qu'il ne faut pas que les enseignes françaises considèrent le Maroc comme un pays où il est facile de s'implanter. C'est vrai qu'il est tentant de considérer que la proximité culturelle, les atouts du pays et le développement rapide des réseaux sont des atouts, mais il y a des incontournables que les enseignes doivent respecter. Il est indispensable de réaliser une étude de faisabilité, une étude de marché. C'est un pays où le relationnel joue énormément et le choix du partenaire va être un facteur clé de la réussite... ou de l'échec de l'enseigne.

Les quelques échecs connus montrent que même les grands groupes n'ont pas tenu compte de ces obligations.
Il faut impérativement que les franchiseurs dépassent le côté émotionnel !

Yves SASSI : Comment fonctionnent les Missions Economiques et que peuvent en attendre les enseignes françaises qui souhaitent venir sur le marché marocain ?

Patrick Hervé : Il existe 156 missions Economiques dans le monde, qui dépendent du Ministère de l'Economie, des finances et de l'industrie. Nous sommes organisés en domaines d'expertise. Concernant le Maghreb et le moyen Orient, c'est Emmanuel Duval qui est notre expert dans les domaines du commerce et de la distribution. Il est particulièrement bien intégré dans le monde de la distribution marocain.
Le rôle de la Mission Economique est d'aider l'entreprise française à bien comprendre le pays et à lui permettre de trouver les outils nécessaires à la réussite de son installation, que ce soit en filiale directe ou en partenariat.
Nous jouons le rôle d'un interlocuteur, très implanté dans le pays, qui va expliquer les aspects favorables et ceux moins évidents que l'entreprise mettrait plus de temps à cerner. Nous sommes également en relation avec des partenaires économiques locaux, que nous connaissons bien et qui peuvent permettre de bien s'intégrer dans le paysage économique local.

Les outils que nous mettons à leur disposition sont de différents ordres.

Les documentations pratiques, sous forme de fiches de synthèse, qui donnent une première analyse du pays et de ses besoins et des marchés existants ou à développer. Elles donnent un des informations sur le marché local et sur les opérateurs.
Concernant le domaine spécifique de la franchise, nous venons de publier un guide répertoire qui présente la franchise au Maroc et les différents interlocuteurs (investisseurs potentiels identifiés de bonne notoriété). Par ailleurs notre rôle est également de recevoir les entreprises et de leur parler du marché, des pratiques, de l'environnement qu'ils trouveront dans le pays. A leur demande, nous réalisons les études de marché et allons jusqu'à réaliser des tests produits, auprès des opérateurs locaux.
L'une de nos prestations phares est l'organisation de missions de prospection. Grâce à ces missions, les entreprises se créent un début de relationnel local, outil évidement très utile pour lancer une démarche active.
Tous ces outils sont adaptés aux besoins réels exprimés par les dirigeants.

Yves SASSI : Quels conseils pouvez vous donner aux franchiseurs français qui souhaitent s'implanter au Maroc ?

Patrick Hervé : Ce que les franchiseurs doivent bien comprendre c'est que les produits et services qu'ils proposent doivent être adaptés au marché local, notamment en ce qui concerne les prix. Beaucoup d'enseignes démarrent en se plaçant dans le haut de gamme, alors que la demande est très importante à des niveaux plus bas. D'ailleurs les franchiseurs marocains qui se développent l'on parfaitement compris et ont réussi à créer des enseignes accessibles au plus grand nombre. Et le nombre des points de vente créés est nettement supérieur à celui des enseignes internationales.

Yves SASSI : Quel est, selon vous, l'avenir de la franchise au Maroc ?

Patrick Hervé : Son développement va se poursuivre, je dirais, pour des raisons mécaniques dues à la demande de plus en plus forte de la part des consommateurs. Mais il n'est pas impossible de penser qu'un réajustement se fasse, parce que certaines enseignes se sont installées sans avoir préalablement analysé le marché. On connaît depuis 2 ou 3 ans une certaine euphorie. Tout le monde se lance dans l'émotionnel et pas toujours dans le rationnel. On a connu en France une période de reflux et je vois mal comment on pourrait éviter cela au Maroc.
En revanche, de nouvelles enseignes vont se créer au Maroc. On sent qu'une réelle modernisation du commerce est enclenchée. Cela est vrai également chez les petits commerçants qui ont compris la nécessité de mutualiser leurs forces. D'ailleurs, il suffit de suivre le développement de la grande distribution qui, après avoir créé des hypermarchés en périphérie des grandes métropoles, commence à s'implanter dans les villes moyennes.