Dossiers de la franchise

La Lettre de la Franchise, Septembre-Octobre 2008

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ACTUALITE JURIDIQUE

La responsabilité du banquier dispensateur de crédit au franchisé (Cass.com., 30 septembre 2008, deux arrêts, pourvoi n°07-16.649 et pourvoi n°07-11.178)

Dans la grande majorité des cas, le franchisé qui démarre son activité sollicite sa banque afin d’obtenir un prêt, dont l’octroi implique parfois qu’il se porte caution solidaire. Lorsque les difficultés financières apparaissent, surgit avec elles la question de la mise en œuvre de la responsabilité du banquier dispensateur de crédit à l’égard du souscripteur et de la caution. Cette question a fait l’objet d’une divergence d’appréciation entre les différentes chambres de la Cour de cassation, à laquelle la chambre mixte a mis un terme, par arrêt du 29 juin 2007 (Bull.ch.mixte n°7 et 8).

Les choses sont désormais fixées : à l’égard de l’emprunteur profane, la banque est tenu d’une obligation de mise en garde et supporte seul la charge de la preuve de la bonne exécution de celle-ci.

Les deux espèces commentées sont l’occasion d’illustrer les conditions de mise en jeu de la responsabilité du banquier à l’occasion de l’octroi d’un prêt au franchisé.

Dans la première espèce, les faits étaient classiques. Suite à la mise en liquidation judiciaire du franchisé, la banque avait assigné les cautions, lesquelles avaient mis en cause la responsabilité du franchiseur et de la banque. Le pourvoi reprochait à la cour d’appel d’avoir rejeté cette demande au motif que le banquier, dans l’exécution de son devoir de mise en garde, doit vérifier le sérieux de l’étude prévisionnelle qui lui est soumise.

Or, le pourvoi faisait valoir que, d’une part, le CA prévisionnel était irréaliste au regard du CA effectivement réalisé pendant l’exploitation et que, d’autre part, en retenant le CA réalisé par le franchiseur après la mise en liquidation judiciaire du franchisé, ainsi que le CA réalisé par d’autres franchisés au sein de la même région, sans préciser les conditions d’exploitation comparées à celles du franchisé considéré, la cour d’appel avait donc violé l’article 1147 du code civil.

La Cour de cassation rejette le pourvoi, au motif que, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation, la cour d’appel a pu estimer que le CA porté au compte d’exploitation prévisionnel n’était pas irréaliste.

Dans la seconde espèce, les faits étaient similaires : après sa mise en redressement judiciaire, le franchisé avait assigné la banque à raison de fautes prétendument commises lors de l’octroi de prêts. La Cour d’appel avait écarté la demande, puis la Cour de cassation avait rejeté le pourvoi, en reprenant l’argument selon lequel la banque ne doit mettre en garde l’emprunteur profane que s’il apparaît que le prêt excède les facultés de remboursement de ce dernier. En l’espèce, l’emprunteur avait choisi de souscrire un emprunt plutôt que d’utiliser les fonds placés et ne démontrait pas que ses difficultés résultaient du caractère excessif des frais financiers, ni que les crédits auraient été disproportionnés au regard de sa capacité de remboursement.

Ces solutions s’inscrivent dans le sillage de décisions connues qui, depuis l’arrêt précité du 29 juin 2007, distinguent la responsabilité du banquier selon que l’on est en présence d’un client averti ou profane. Dans le premier cas, le banquier n’est débiteur que d’une obligation d’information, sauf s’il dispose d’informations sur la situation du franchisé emprunteur, ignoré par ce dernier, ce qui est rare en pratique ; dans le second cas, le banquier est tenu d’une obligation de mise en garde.

Dans les deux espèces commentées, c’est sur ce terrain que la demande était formulée, fondement parfaitement envisageable dans la mesure où, l’emprunteur ayant agit à titre professionnel n’est pas considéré, de ce fait même, comme un emprunteur averti. Il convient d’ajouter que, pour déterminer l’éventuel manquement du banquier à son obligation de mise en garde, la jurisprudence a recours à plusieurs éléments lui permettant d’apprécier le caractère disproportionné (ou non) du crédit consenti par rapport aux facultés de remboursement de l’emprunteur.

Parmi ces éléments, on relève le CA prévisionnel, parfois communiqué par le franchiseur au franchisé préalablement à la signature du contrat de franchise, et que la banque apprécie pour examiner les possibilités de remboursement du franchisé.

Dans le premier arrêt, la Cour de cassation renvoie au pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond qui, en l’espèce, avaient retenu que les chiffres prévisionnels n’étaient pas irréalistes et que, dès lors, la responsabilité du banquier ne pouvait être engagée pour ne pas avoir mis en garde le souscripteur du crédit. Le second arrêt illustre la prise en considération du rôle du franchisé dans la survenance des difficultés financières ; en l’espèce, le franchisé avait emprunté alors qu’il disposait de fonds propres suffisants. Dans ces conditions, le banquier ne peut voir sa responsabilité engagée dès lors que le franchisé ne démontre pas que ses difficultés résultent des frais financiers ou que le montant des crédits serait supérieur aux facultés de remboursement.

Violation de la clause de non-affiliation par le franchisé (Cass.com., 8 juillet 2008, pourvoi n°07-20385)

Distincte mais complémentaire de la clause de non-concurrence, la clause de non-affiliation est celle par laquelle le franchisé s’engage à ne pas s’affilier à un réseau concurrent de celui qu’il s’apprête à quitter. L’arrêt commenté invite à en rappeler les conditions de validité.

En l’espèce, par suite de la résiliation du contrat de franchise, le franchiseur avait assigné un ancien franchisé en référé afin qu’il dépose l’enseigne de son concurrent et qu’il cesse de vendre les produits de ce dernier. Cette demande fut accueillie par le premier juge, avant d’être confirmée par la cour d’appel.

Le pourvoi soulevait la question de la validité de la clause de non-affiliation au regard des conditions visées par l’article 5 du Règlement communautaire d’exemption de 1999, à savoir le caractère indispensable à la protection du savoir-faire et la durée maximale d’un an. La Cour de cassation rejette le pourvoi et approuve la cour d’appel d’avoir retenu que la preuve de l’affectation du commerce entre Etats-membres, condition d’application du droit communautaire, n’était pas rapportée.

Dès lors, il n’y avait pas lieu d’appliquer ce texte qui, sans poser les conditions de validité de ce type de clause, vise uniquement les conditions dans lesquelles la clause échappe de plein droit à la nullité de l’article 81 §.1 du Traité CE.

La seconde question concernait la question de la preuve de la violation de la clause de non-affiliation. La Cour d’appel avait retenu celle-ci, malgré la résiliation bail commercial et du contrat de location-gérance du fonds de commerce par l’ancien franchisé, propriétaire des murs, en raison de l’exploitation indirecte par le franchisé du fait de sa participation dans la société ayant succédé à la société partie au contrat de location-gérance.

La Cour de cassation casse l’arrêt au motif que cette motivation était selon elle impropre à démontrer que l’ancien franchisé exploitait directement ou indirectement le fonds de commerce pour lequel le contrat de franchise avait été conclu. Ce faisant, la Cour de cassation adopte une interprétation restrictive de la clause de non-affiliation.

Aspects de la loi LME relatifs à la licence de marque (Loi n°2008- 776 du 4 août 2008, JO du 5 août 2008)

Le chapitre III de la loi LME intitulé, « Développer l’économie de l’immatériel », traite des questions de propriété littéraire, artistique et industrielle, notamment de l’opposabilité aux tiers des droits du licencié d’une marque et de l’action en contrefaçon. Jusqu’à présent, le franchisé ne pouvait se joindre à l’action en contrefaçon exercée par le titulaire de la marque (le plus souvent le franchiseur lui-même) qu’à la condition d’avoir inscrit sa licence de marque sur le registre national des marques tenu par l’INPI. A défaut, en cas de contrefaçon de la marque, seule lui était ouverte la voie de l’action en concurrence déloyale pour obtenir la réparation du préjudice spécifique causé par la contrefaçon. L’article 133 de la loi LME modifie les choses, principalement l’article L.714-4 du code de la propriété intellectuelle, en ouvrant au licencié même non inscrit la faculté de se joindre à l’action en contrefaçon.

Désormais, le franchisé victime des actes de contrefaçon commis par le tiers pourra se joindre à l’action en contrefaçon exercée par le franchiseur, sans pour autant que son contrat soit inscrit au registre national (ou international) des marques. Il arrive en effet que le franchisé subisse également un préjudice qui lui est propre, en particulier lorsque la contrefaçon a un impact local sur le territoire réservé à ce dernier.

Outre les conséquences relatives à la dépréciation de la marque, le franchisé est susceptible de connaître un manque à gagner. Désormais, il ne sera plus indispensable de procéder à l’inscription des licences de marque (dont le principal intérêt est de conférer à l’acte son opposabilité aux tiers) pour que le franchisé puisse se joindre à l’action en contrefaçon et obtenir en conséquence la réparation que la contrefaçon lui a causée.

Retour sur l’appréciation de la contrefaçon et l’atteinte à une marque renommée (Cass.com., 23 septembre 2008, pourvoi n°07-11288)

Un arrêt récent de la chambre commerciale de la Cour de cassation permet de revenir sur les conditions d’appréciation de la contrefaçon et de l’atteinte à une marque renommée.

Se prononçant sur le premier fondement, à savoir la contrefaçon, la Haute juridiction casse l’arrêt qui, après avoir établi le risque de confusion entre les signes et que le public pourrait croire que le signe « X-elle-S » était une déclinaison de « Elle », n’a pas examiné si l’usage de celui-ci pour des produits non similaires était de nature à porter atteinte à son caractère distinctif.

La demande était également fondée sur l’article L. 713-5 du code de la propriété intellectuelle propre aux marques renommées dont on sait qu’elles sont protégées, au-delà du principe de spécialité, contre leur reprise par un tiers, même pour des produits différents. Dans cette hypothèse, le titulaire de la marque renommée, en l’espèce «Elle», peut engager la responsabilité civile du tiers si l’usage fait de sa marque est de nature à lui porter préjudice ou si cet emploi constitue une exploitation injustifiée.

Dès lors, le fondement de l’article L. 713-5 du code de propriété intellectuelle est parfaitement justifié lorsque, comme en l’espèce, les produits en cause ne sont pas similaires. En effet, en vertu du principe de spécialité qui régit la matière, la marque n’est protégée que pour les produits et services désignés dans l’enregistrement.

Comme l’illustre l’arrêt commenté, à défaut de similarité entre les produits désignés dans l’enregistrement (en l’espèce les périodiques, les produits de beauté et cosmétiques et notamment les savons et savonnettes, nécessaires de cosmétiques, produits pour la chevelure, produits de toilette, coffrets de voyage et vanity-case remplis ou garnis) et ceux exploités sous la marque du tiers, en l’espèce des compléments alimentaires, l’imitation de la marque ne peut être sanctionnée sur le fondement de la contrefaçon.

Dans cette circonstance, l’atteinte à la marque n’est pas établie mais le titulaire de la marque renommée peut contester une dilution de celle-ci sur le fondement du texte spécial de l’article L. 713-5 du CPI.

Interprétation d’une clause attributive de juridiction (Trib. Com. Bordeaux, 26 septembre 2008, RG n° 2006/F00673, inédit)

Les clauses attributives de compétence, visées à l’article 48 du code de procédure civile, permettent de déroger aux règles légales de compétence, à la double condition (i) d’être convenues entre des personnes ayant contracté en qualité de commerçants et (ii) d’apparaître très clairement dans l’engagement des parties. Dans l’espèce commentée, le franchisé assigna le franchiseur devant le Tribunal de commerce de Bordeaux, lieu d’exécution du contrat de franchise, pour manquement à son obligation pré-contractuelle d’information et pour résiliation abusive du contrat de franchise. Le franchiseur souleva une exception d’incompétence en raison de la clause attributive de juridiction stipulée dans le contrat de franchise en ces termes : « Toutes les contestations entre les parties relatives à l’application, l’exécution ou l’interprétation du présent contrat non résolues à l’amiable dans le délai d’un mois à compter de la date de la survenance du litige, seront soumises aux tribunaux du siège social du franchiseur qui seront seuls compétents et ce, même en cas de pluralité d’instances ou de parties ou d’appel en garantie d’instances ou de parties ou d’appel en garantie. Cette clause s’appliquera également en matière de référé ».

En réponse, le franchisé faisait valoir que la clause était inapplicable en l’espèce, faute pour elle de viser les litiges fondés sur la rupture ou la résiliation du contrat. Il considérait également que les litiges relatifs aux pourparlers et l’information pré-contractuelle étaient également exclus de son champ d’application. Le Tribunal écarte l’argumentation du franchisé en relevant, d’une part, que la rupture du contrat fait partie de la non-exécution par le franchisé de ses obligations contractuelles et, d’autre part, que l’information précontractuelle fait partie intégrante du contrat, lequel y fait expressément référence. Après s’être déclaré incompétent, le tribunal a renvoyé l’affaire devant le tribunal de commerce désigné par la clause litigieuse.

La solution ne peut qu’être approuvée au risque de vider la plupart des clauses attributives de compétence de leur substance.

Ce jugement est l’occasion de rappeler la nécessité d’apporter le plus grand soin à la rédaction des clauses attributives de compétence au risque de se voir opposer une exception d’incompétence territoriale.

Date d’effet de la résiliation judiciaire des contrats à exécution successive (Cass. civ. 3ème, 1er octobre 2008, pourvoi n° 07-15.338 )

En l’espèce, après retenu que la résiliation du contrat de bail prenait effet au jour de la décision qui la prononce, la cour d’appel avait condamné le locataire au paiement des loyers échus jusqu’à cette date.

Au visa de l’article 1184 du code civil, la Cour de cassation pose l’attendu de principe suivant : « Attendu que la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l’une des parties n’y satisferait point à son engagement ».

La Haute juridiction casse l’arrêt au motif – catégorique – que la résiliation judiciaire des contrats à exécution successive ne prend pas nécessairement effet à la date de la décision qui la prononce.

Bien que l’arrêt se prononce sur une espèce relative à un contrat de bail, l’arrêt n’en revêt pas moins une portée très générale au regard du fondement retenu : le visa de l’article 1184 laisse en effet augurer d’une solution pleinement applicable à l’ensemble des contrats et, en particulier, au contrat de franchise, contrat à exécution successive.

Or, conformément au droit commun des contrats, et en application de l’article 1184 du code civil, la résiliation judiciaire du contrat de franchise peut être sollicitée par l’une ou l’autre des parties, dès lors qu’un manquement grave est constaté par l’autre partie. Se pose alors la question de la date d’effet de la résiliation qui, on le sait, emporte des conséquences au plan pratique.

En la matière, la jurisprudence, approuvée par la majorité de la doctrine, avait opté pour un anéantissement non-rétroactif du contrat, la résiliation, plutôt que la résolution.

Or, par cet arrêt de principe, la Cour de cassation retient la possibilité de donner un effet rétroactif à la résiliation, en admettant que la date d’extinction du contrat soit celle à laquelle les parties ont cessé d’exécuter leurs obligations, et non pas celle correspondant au jour de la décision prononçant la résiliation.

On le comprend, compte tenu du laps de temps pouvant s’écouler entre l’inexécution par l’une des parties de ses obligations et le prononcé de la décision, il peut être important de fixer la résiliation à une date antérieure à la décision judiciaire qui la prononce. Cette date déterminera notamment la période au titre de laquelle le franchiseur pourra exiger le paiement des redevances de franchise, la période au-delà de laquelle les obligations d’assistance et de mise à disposition du savoir-faire n’auront plus à être exécutées, le point de départ de l’obligation de non-affiliation, etc.

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