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Le soutien scolaire : Un marché parvenu à maturité

En France, un million d’élèves suivent en moyenne 40 heures de cours par an. Ce marché, estimé parfois jusqu’à 2,1 milliards d’euros, reste encore occupé à 80% par les cours non déclarés. La professionnalisation des organismes structurés de soutien scolaire, conjuguée aux exonérations fiscales liées au Chèque Emploi Service Universel (CESU) , a déjà permis aux organismes structurés de soutien scolaire de gagner du terrain sur le marché « souterrain ». Toutefois, certains acteurs du marché proposent déjà des solutions astucieuses pour étendre l’usage du CESU, dans le cadre du soutien scolaire. Afin que cette loi réponde toujours mieux à ses objectifs : lutter contre le travail « au noir » et le chômage. Explications.

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1 élève sur 6 au collège et au lycée prend des cours de soutien scolaire, selon une étude reprise à la rentrée au journal de 20 heures de France 2. Si le nombre d’heures de cours particuliers n’a progressé que de 3% entre 1995 et 2005, la part occupée par les organismes professionnels a progressé de 40% par an. Ces dernières années, cette croissance resplendissante est confirmée par une augmentation régulière de 25 à 40% des inscriptions d’élèves dans le marché déclaré. Cette dynamique profite à l’ensemble des protagonistes du secteur de cours particuliers. « On s’aperçoit que dès que l’un des deux grands acteurs du marché communique sur le soutien scolaire, la demande de la part des parents d’élèves augmente également pour tous les autres acteurs. Dans la société, les parents ont pris l’habitude de comparer les prix. Les cours deviennent en quelque sorte un produit de consommation courante. », précise Sylvain Gangneux, directeur du réseau 2Amath .

En accompagnement de l’enseignement public ou privé

Les raisons d’un tel phénomène puisent autant sa source dans la nouvelle législation en vigueur depuis février dernier (le Chèque Emploi Service Universel), que dans la mutation de la société française et la professionnalisation grandissante des entreprises engagées dans le secteur du soutien scolaire. Cet engouement pour le soutien scolaire surfe également sur le sentiment du grand public - éprouvé à tort ou à raison - que les élèves ne sont pas correctement encadrés au cours de leur scolarisation et que l’Education Nationale n’est pas suffisamment « performante ».

Pour expliquer ce sentiment, Jean-Michel Roques, ancien instituteur et directeur de la Master Franchise Sylvan France, avance une raison plus sociologique que pédagogique : « Il y a encore cinquante ans, on passait l’essentiel de sa vie dans le même village. Les instituteurs avaient une connaissance pointue de chaque enfant, de sa personnalité, et de son contexte familial. Ils pouvaient mieux appréhender ce que chacun savait ou ne savait pas. Aujourd’hui, les familles changent souvent de lieu d’habitation et le brassage est plus important. Il devient plus délicat d’individualiser l’enseignement. D’autant que l’instituteur ou le professeur s’adresse soit aux meilleurs de la classe, soit à ceux qui parviennent à suivre les cours sans plus, soit à ceux qui sont en grande difficulté. Mais il ne peut s’adresser aux trois publics simultanément. » Les méthodes pédagogiques de Sylvan France répondent à cette expertise. Elles démarrent par trois heures de tests de connaissance scolaire pour tout nouvel élève. But de l’examen : déterminer ce que sait l’enfant par rapport à ce qu’il devrait savoir pour son niveau de classe, afin de mettre en évidence ses lacunes et définir dans quel ordre lui restituer ces connaissances manquantes. Sylvan France a développé cet outil de test, de méthodologie et de contenu sur 33 niveaux/matière du CP à la Terminale avec Hachette Education durant quatre ans. La démarche pédagogique engagée par Sylvan France s’appuie autant sur les parents, rencontrés toutes les douze heures de cours, que sur l’Education Nationale, se présentant comme une consolidation des connaissances requises par l’enseignement traditionnel.

Méthodologie, relationnel avec l’enfant, orientation scolaire

La même volonté de s’inscrire dans le parcours scolaire de l’enfant, de ne pas se substituer à l’école, est défendue par Isabelle Dumas, directrice de Cours Ado : « Il peut suffire d’une vingtaine d’heures pour « remettre d’aplomb » un élève de cinquième dans une matière. Il faut s’attacher à obtenir des résultats rapides et durables, tout en proposant un service agréable pour les parents. Mais si un parent ne peut offrir que 10 heures de cours à son enfant, alors que celui-ci en a besoin de 20, nous préférons lui expliquer que ces 10 heures seraient perdues et nous n’acceptons pas la mission. En revanche, si la mission requiert peu d’heures et que les parents veulent programmer plus de cours, nous demandons aux parents d’arrêter les cours et d’attendre les résultats pour programmer de nouveaux cours. Chez nous, toute famille peut assister à une enquête de satisfaction que nous réalisons régulièrement auprès de nos clients. »
Stages de méthodologie, bilan de compétence, prestation concernant l’orientation scolaire de l’enfant, gamme de séjours linguistiques, tests de mémoire en ligne , certification ISO 9001, reconstruction de la confiance personnelle de l’élève… la qualité de service des organismes structurés du soutien scolaire impose aujourd’hui sa différence avec les cours non déclarés. Ces organismes proposent de travailler autant le contenu des cours, les méthodes de travail, leur mise en perspective dans un parcours scolaire, que le relationnel de l’enfant. « Aujourd’hui, à l’école, on demande aux élèves de restituer un savoir, ce n’est pas pour autant qu’ils se forment à la réflexion, qu’ils se construisent. Il faudrait davantage se consacrer à comment « apprendre à apprendre », comment résoudre un problème. De plus, lorsqu’un enfant est en difficulté, il faut travailler sur le relationnel, sur la valorisation de l’individu, avant de travailler sur la partie théorique des cours. Ce n’est pas pour autant qu’il faut prendre totalement en charge l’élève. Il faut lui faire des suggestions de méthodes de travail et le laisser s’approprier celles qui lui conviennent, pour lui permettre d’« apprendre à apprendre », insiste Sylvain Gangneux.

Un authentique gisement d’opportunités pour la franchise

Certes, le marché professionnel du soutien scolaire gagne d’abord des parts sur le marché d’intermédiation occulte. « C’est l’effort conjugué d’une législation qui commence à favoriser les services à domicile – à l’image du CESU – et d’une crédibilité accrue des actions structurées de cours à domicile qui contribue à développer le marché du soutien scolaire pour les entreprises. Il reste qu’il faut laisser le temps au grand public de changer de mentalité. Le travail non déclaré apparaît encore commode pour les parents d’élèves. Ceux-ci prennent maintenant conscience de la valeur ajoutée d’un professeur, intégré dans une démarche scolaire et une stratégie pédagogique visant non seulement à garantir à l’élève des résultats dans une matière, mais à le faire progresser globalement, en affinant sa méthode de travail. », souligne Maxime Aiach, président du groupe Acadomia .
Les perspectives de développement pour les cours particuliers demeurent importantes. D’une part, le gisement des opportunités dans le secteur des services à la personne apparaît peu exploité. Seuls 3% des salariés ont effectivement recours à ces services, contre 50% au Canada et 30% aux Etats-Unis. De nombreux facteurs sociaux économiques, concourant à accroître les besoins en services à domicile, sont à prendre en considération, comme le travail des femmes et les nouveaux modes de vie. Lors de la présentation du CESU , le ministre de l’Emploi, de la Cohésion Sociale et du Logement, n’a-t-il pas affirmé que « dès que les ménages consommeront deux heures de service par semaine, c’est un million d’équivalents plein temps qui seront créés. » ? Avec 1,3 millions d’employés, le secteur des services à la personne devrait passer d’une croissance régulière de 5,5% ces dernières années à +16% en 2006.

Statégie des cours en franchise : rester financièrement abordables

D’autre part, les cours personnalisés, phénomène plus ou moins nouveau en France, n’ont pas atteint la pratique excessive de certains pays d’Europe, des Etats-Unis ou d’Asie, dans lesquels, course à la compétitivité oblige, les cours complémentaires sont entrés dans la culture des élèves. Par exemple, en Corée du Sud, il est fréquent que les enfants de 4 à 5 ans prennent le bus, après la fin des cours à 15 heures, pour apprendre l’anglais. La majorité des collégiens et lycéens coréens fréquentent, après la classe, les « Hakwon » (학원), des écoles privées dispensant jusqu’à 22 heures, voire minuit en période d’examen. Les « Gwawi » ou cours à domicile occupent également une part prépondérante d’un cursus scolaire fondée sur une maxime locale affirmant « quatre de sommeil tu réussis, cinq tu échoues »…
Pour faire perdurer cette explosion du secteur des services, et donc entretenir la création d’emplois, les services proposés aux familles devront rester financièrement abordables. « Actuellement, en moyenne, les cours à domicile sont une fois et demie plus chers que les cours sur site ; ce qui pèse sur le budget des familles. D’autre part, le crédit d’impôt généré par le CESU ne concerne que 50 % de la population française, les autres n’étant pas imposables. », insiste Sylvain Gangneux.
Afin que le CESU ne soit plus facteur d’inégalité sociale, Jean-Michel Roques propose une solution : « Nous observons encore une faible proportion de CESU préfinancé. Pour renforcer l’incitation fiscale de cette mesure intelligente auprès des patrons des petites et moyennes entreprises, il faudrait redistribuer le coût réel des chèques, en fonction de la taille de l’entreprise. Ce système de répartition serait fondée sur des règles de même nature que celles du quotient familial. Par exemple, un CESU préfinancé de 10 euros coûterait 8 euros à une grande entreprise, et 4 euros à une TPE. » Une initiative propre à intéresser les 2,5 millions de TPE et les 175 000 PME, comme les 66% des salariés qui attendent de leur entreprise des services de soutien personnel (démarches administratives, aides et services) selon une enquête Ipsos/Accor Services datant de 2004.

Ouvrir le CESU aux cours sur site

Une autre évolution consisterait à étendre l’usage du Chèque Emploi Service Universel dans le sens de ses objectifs initiaux, comme le suggère Sylvain Gangneux : « Aujourd’hui, nous ne pouvons pas bénéficier du Chèque Emplois Service Universel (CESU), puisque nos professeurs n’exercent pas au domicile des gens. Nous avons rencontré, à ce sujet, le bras droit de Jean-Louis Borloo, le ministre de l’Emploi, de la Cohésion Sociale et du Logement. Pourquoi faire une différence entre les professeurs qui exercent à domicile, une activité qui bénéficie du CESU, et des professeurs qui exercent en centre, comme les nôtres, une activité qui ne bénéficie pas du CESU ? D’autant que cette exonération fiscale a comme but de lutter contre le travail non déclaré et contre le chômage, deux objectifs auxquels répond notre activité. Nous avons « plaidé » en faveur des entreprises comme la nôtre, qui exercent en tant que prestataire, et dont le fonctionnement pourrait s’appliquer à d’autres métiers, comme les jardiniers. Lorsque nous créons un emploi de professeur, celui-ci bénéficie d’avantages liés au CDI, comme l’accès à la formation professionnelle et aux prêts bancaires. Ce qui contribue aussi à lutter contre la précarité de l’emploi. Il y a quelques années, un grand acteur du marché du soutien scolaire a été précurseur vis-à-vis de la loi en réussissant à faire évoluer le Chèque Emploi Service, uniquement réservés aux particuliers pour les employés à domicile, vers le CESU et le CESU préfinancé, afin d’en faire aussi bénéficier les mandataires de services à domicile. De la même façon, nous souhaitons faire évoluer cette loi fiscale pour en faire aussi bénéficier les prestataires de ces services sur site. »

La franchise peut répondre aux attentes concrètes des familles

Le secteur prometteur des services à la personne doit toutefois poursuivre sa structuration sans brûler les étapes, tout en continuant de répondre aux attentes concrètes des familles. « Nous additionnons aujourd’hui les prestations de services autour des métiers de proximité, en engageant une relation de proximité avec une démarche qualité. Nous n’envisageons toutefois pas de synergie entre Acadomia et Shiva , notre autre enseigne des services à la personne, car la clientèle est différente. Le « supermarché des services » n’a pas encore été créé. Il faut déjà déterminer quelles sont les offres de services à domicile qui plaisent sur la durée. », affirme Maxime Aiach. Le bon sens déterminera les métiers les plus populaires. « Les cours particuliers préparent un meilleur avenir pour les enfants, et cela n’a pas de prix pour les parents. », résume, pour son secteur, Isabelle Dumas.

François Simoneschi

* http://www.bienlire.education.fr/04-media/documents/glasman03.pdf

Lire également notre entretien avec Bruno Arbouet, directeur général de l’Agence Nationale des Services à la Personne .

Une petite histoire des cours particuliers

Les cours particuliers ne sont pas nés avec l'apparition de logiques de marché dans l'école. « Déjà, au XIXè siècle en France, alors que l'accès à l'enseignement secondaire était étroitement réservé à l'élite sociale, les cours fleurissaient ; ils devaient permettre aux enfants de la bourgeoisie de « tenir leur rang » et d'accéder à leurs « droits de bourgeoisie ». Mais l'ouverture de l'accès de l'école secondaire et de l'enseignement supérieur à des catégories qui en étaient jusque là maintenues à l'écart a eu pour corollaire la montée de la compétition scolaire, puisqu'il ne suffit plus d'entrer mais que l'enjeu devient d'accéder aux établissements, aux filières et même aux classes les plus « rentables » en termes de placement scolaire et social. », affirme Dominique Glasman, professeur de sociologie et chercheur, dans un rapport établi à la demande du Haut Conseil de l’évaluation de l’école*.

Le doyen actuel des organismes structurés de soutien scolaire existe depuis 1928. Il dis­pensait à l'époque des cours par corres­pondance, selon les méthodes mises au point par leur fondateur, un responsable de l'Unapel (fédé­ration de parents des écoles libres). Les cours particuliers s’inscrivent désormais comme un complément indispensables de l’école, comme le traduit l’évolution des noms des entreprises du secteur. Dans les années 60 et 70, la première véritable génération d’organismes structurés de cours particuliers identifient leur enseigne auprès du grand public comme un remède à une situation : Maths-Assistance, Maths-Secours, Ortho-Maths. La seconde génération, depuis le milieu des années 1980, s’inspire davantage du vocabulaire de la compétition: Performance, Etudes Plus, Stud Avenir, Progress System. Enfin, l’actuelle génération des entreprises de cours à domicile, mobilise plutôt ses clients autour des connotations d'accompagnement « tranquille », « normal »,de la scolarité : Complétude, Après la Classe, Keepschool, Domicours, Allocours.

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Patrick Rucart
Rédacteur
Patrick Rucart

Patrick Rucart est rédacteur pour le site Observatoire de la Franchise depuis 8 ans. Avec une solide expérience dans le domaine de la franchise et de l'entrepreneuriat, il suit de près les tendances du marché et les stratégies des réseaux. Son expertise lui permet de donner des conseils pratiques aux futurs franchisés et d'analyser les évolutions du secteur. Grâce à son regard averti, Patrick aide les entrepreneurs à mieux comprendre les enjeux et les opportunités de la franchise, avec des informations claires et fiables.

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