Dossiers de la franchise

La certification est-elle un nouvel obstacle à la liberté d'entrepreneur du franchisé ?

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Yves SASSI : Pouvez-vous m'expliquer brièvement ce qu'est une certification ?


C'est la validation par un organisme accrédité d'un système de management de la qualité qui démontre que l'entreprise a bien compris les besoins et les attentes de ses clients et qui a mis en place un système adéquat pour les satisfaire.
Un exemple : dans le domaine industriel, si nous prenons l'automobile que tout le monde " consomme ", le système qualité permet de connaître les besoins explicites et implicites du client, et d'offrir en retour un produit répondant à ces attentes.
Globalement, tout produit ou service proposé par une entreprise certifiée présente des caractéristiques de fiabilité, de sécurité, d'efficacité, de maîtrise des coûts de fabrication qui ne se retrouvent pas dans un produit ou un service " lambda ". De plus, il est soumis à deux facteurs importants : l'obligation d'amélioration continue, qui prend par exemple en compte le recyclage des composants du produit, et la traçabilité, qui participe à la lutte contre la fraude et la contrefaçon.

Yves SASSI : D'accord, mais la certification, c'est pour qui ?

Au départ, c'était pour les grosses entreprises internationales. Le but de la certification était d'homogénéiser les pratiques du commerce mondial. Aujourd'hui, la certification concerne tout type et toute taille de structure. Je connais un avocat certifié ISO 9001.
Il est important de comprendre que la norme ISO 9001 a évolué depuis dix ans. La version de 1994 concernait uniquement la conformité du produit et demandait une masse de contrôles et de procédures qui ont laissé des traces dans les esprits. Chez beaucoup en effet, norme ISO = paperasse contraignante, fourches caudines et peur du gendarme réunis. La version 2000 de la norme apporte des modifications essentielles car une refonte des normes qualité les a amenées à être :

  • Simplifiées : on est passé d'une douzaine de normes sur la qualité dans les années 1994 à quatre en 2000. Leur accès et leur compréhension en ont été considérablement facilités.
  • Étendues : elles ont intégré les nouveaux concepts d'approche processus et de management de système.
    Partant de la conformité du produit, on est arrivé à la maîtrise de l'organisation générale, la qualité étant comprise dans l'ensemble des activités de l'entreprise et non plus seulement en production, et de surcroît soumise à l'obligation d'amélioration continue.
    " Moi, l'ISO 9001 ? Même pas peur ! ". Ph. Gabillard Thèse professionnelle 2005.


Aujourd'hui, la démarche qualité est une démarche de management, et elle produit ses effets sur la prestation de service ou le produit, mais surtout sur la culture de l'entreprise. Elle est bien entendu applicable à tout réseau de franchise, et de surcroît à tout franchisé.

Yves SASSI : Comment obtenir une certification et où s'adresser ?

Pour valider le système qualité il aura été nécessaire de le mettre en œuvre dans l'entreprise. Deux cas de figure se présentent :

  • en interne, par le biais du responsable qualité de l'entreprise s'il existe,
  • externaliser le processus de mise en œuvre via un prestataire indépendant.


Au terme de la mise en œuvre de la démarche, l'entreprise doit être certifiable. Plusieurs acteurs interviennent à ce stade, dont l'AFAQ-AFNOR est la plus connue, mais nous pouvons aussi citer BVQI, Moody, TUV et bien d'autres.

Yves SASSI : Peut-on estimer le coût moyen d'une certification ?

En fonction de la taille de l'entreprise, on peut estimer la durée de mise en œuvre du système qualité entre 12 et 18 mois. Il est nécessaire d'intégrer le facteur temps dans le coût, car c'est une ressource à part entière qui permet d'absorber les changements induits par la démarche. Evaluer le coût n'est pas facile, mais prenons 12 à 18 mois de salaire d'un responsable qualité ou 40 à 60 jours d'intervention d'un cabinet conseil et on aura une fourchette réaliste.

A ceci s'ajoutera le coût de la certification pour laquelle il est plus que recommandé de mettre les organismes en concurrence. Selon la complexité, ce coût peut être estimé entre 6.000 et 10.000 €.

Yves SASSI : Combien et qu'est-ce que cela rapporte en fin de compte ?

Rappelons que les coûts de non-qualité peuvent représenter jusqu'à 15 % du chiffre d'affaires. Eliminer ces coûts revient donc à les gagner en terme de valeur ajoutée.

Ces coûts appréhendés, cernés et maîtrisés, et les actions correspondantes initiées déployées et engagées, l'entreprise commence à modifier la performance de son appareil de production, de son organisation générale et de ses services clients et fournisseurs.


(source AFNOR X50-126)

Elle a accru sa valeur ajoutée et mis en place un système d'évaluation et de contrôle qui peut lui en faire gagner autant par des gains de productivité.

À production constante, sans modification de gamme de produits (ou de services), sa performance pourrait idéalement s'accroître de près de 30 %, si nous reprenions la valeur plafond de CNQ de 15 %. À ne pas négliger, tout de même.
" Moi, l'ISO 9001 ? Même pas peur ! " Ph. Gabillard Thèse professionnelle 2005.
Interrogez autour de vous les réseaux certifiés, ils vous apporteront leur témoignage à ce sujet.

« Au delà des chiffres, la qualité apporte une amélioration des conditions de travail, une fidélisation des clients, une implication et une motivation du personnel, une meilleure productivité, (diminution de l'absentéisme, baisse du turn over, etc.) »

Yves SASSI : Quel est le moment le plus opportun pour se pencher sur la question ?

Face aux tensions de la conjoncture, les questions de fidélisation de clientèle, de pérennisation de l'entreprise et d'accroissement de performance déterminent le plus souvent le passage à l'acte, si j'ose dire. Cette réflexion s'intègre toujours à une réflexion stratégique globale du dirigeant. L'apport d'outils de résolution de problèmes dans la démarche qualité la rend nécessaire quand l'entreprise se penche sur son fonctionnement pour améliorer sa rentabilité. Néanmoins, il est toujours prématuré de considérer la démarche qualité comme étant un " traitement de surface ". Elle implique de profondes modifications dans l'organisation générale de la structure de management et pour cette raison, elle doit être réfléchie en amont par le dirigeant.

Yves SASSI : Est-ce un frein à la liberté d'entreprendre ?

Pour le franchiseur, la certification qualité n'est sûrement pas un frein à la liberté d'entreprendre. Elle apporte un plus dans le package proposé au franchisé. Loin d'être un fardeau de contraintes administratives supplémentaires, elle a pour vocation de mieux faire " respirer " l'entreprise, donc le réseau. Elle permet une meilleure visibilité et une fiabilité que le franchisé détectera irrémédiablement.

Pour le franchisé, la certification qualité est encore moins un frein à la liberté d'entreprendre.
Le franchisé est un entrepreneur dont la particularité est de s'appuyer sur l'effet de levier que lui propose le réseau de franchise. Il est avant tout un professionnel qui souhaite rentabiliser au mieux son investissement, par l'appui technique, structurel et marketing du franchiseur, avec la notoriété de son nom, le degré d'élaboration de son cahier des charges et des procédures commerciales et leur validation dans le réseau. Cette bible du franchiseur est une forme de garantie de résultat quant aux moyens mis à disposition du candidat franchisé.

Le franchisé choisira le réseau en fonction de son " métier ", dans le secteur d'activité qui lui conviendra le mieux. Choisir un franchiseur est aussi choisir un système à la fois porteur et soutien. Porteur par l'effet de levier, soutien par l'expérience développée en amont. Tout ceci en préservant au franchisé sa liberté d'entreprendre. Mais pas n'importe comment.
C'est là que peut intervenir la démarche qualité du franchiseur, préalable à sa certification.

  • Choisir un réseau certifié, c'est opter pour une assurance supplémentaire
  • Choisir un réseau certifié, c'est choisir une structure animée d'une dynamique dans le temps, engagée dans une boucle d'amélioration continue, exigée par la norme ISO 9001.

Le candidat franchisé est un client potentiel du franchiseur. Si le franchiseur est certifié, son système sera " orienté client ", il aura déterminé les besoins et les attentes de ce dernier et aura mis en place les éléments nécessaires à les satisfaire.

  • C'est donc un gain pour le franchisé de trouver tous les outils capables de garantir sa satisfaction.
    Exemple : procédure de recrutement, de formation, enquête de satisfaction client, actions préventives et correctives sur les dysfonctionnements détectés, etc.
  • C'est encore un gain pour le franchisé de trouver un système dans lequel tout est écrit, donc opposable et non contestable.
    Exemple : objectifs qualité clairement établis et formalisés, décisions, plans et évaluation des formations, critères de sélection des fournisseurs enregistrés, etc.
  • C'est aussi un gain de temps pour le franchisé pour lequel la procédure d'accueil aura été formalisée, donc efficace.
  • C'est un gain de performance dans le travail à venir.
    Exemple : un réseau certifié peut accroître son chiffre d'affaires de 20 à 30 %.
  • C'est enfin un gain de rentabilité de son investissement, une garantie d'un retour sur investissement supérieur par la maîtrise du système de la part du franchiseur. (cf. interview Cabinet Bedin).


En conclusion le seul obstacle que la certification représente à la liberté d'entrepreneur du franchisé réside dans le fait qu'il ne peut pas entreprendre n'importe comment. Est-ce vraiment un argument de poids ?

Lire également sur ce même thème notre entretien avec Yvette Bedin, PDG d'un réseau d'agences immobilières dont le programme de certification est en cours. Cliquez ici Lire également notre dernier entretien : Les enjeux de la certification, dans les réseaux de franchise .
Cliquez ici

Philippe Gabillard est Expert Qualité Sécurité Environnement (Q.S.E.).
Expert systèmes de management par la qualité.
Conseil et mise en oeuvre des référentiels ISO 9001, 14001 & OHSAS 18001
Master Qualité Sécurité Environnement.
27, rue Lachevalle
17400 Saint-Jean-d'Angély
Tél . : 06 08 11 18 39
email : ph.gabi@free.fr

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