Dossiers de la franchise

La gouvernance des réseaux de franchise

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N’en déplaise aux auteurs des raccourcis simplistes trop souvent lus ou entendus, un réseau de franchise ne se limite pas au nombre de ses franchisés.

« Beaucoup » de franchisés, n’est pas la garantie d’un réseau sain. « Peu » de franchisés » ne doit pas générer la méfiance.

Tout ou presque a été écrit sur la difficulté du métier de franchiseur. Un métier qui doit être appris et qui comporte l’impérieuse nécessité de construire supports et ressources. Parmi lesquelles, a minima, les éléments suivants :

· Un concept qui repose sur un savoir-faire « substantiel, secret et identifié » (Code de Déontologie Européen de la Franchisé)
· Un contrat équilibré et un DIP qui, pour le premier, repose sur les principes du Code de Déontologie de la Franchise et pour le second, réponde aux exigences de la loi Doubin
· Un manuel opérationnel qui décrit l’intégralité du savoir-faire
· Une organisation qui soit en mesure d’apporter assistance à chaque franchisé en fonction de ses besoins, dictés, notamment, par son ancienneté dans le réseau : nouveau franchisé, franchisé qui maîtrise l’exploitation de son point de vente

Pour difficiles et compliquées que soient la conception et la mise en place de ces leviers, force est de constater qu’ils sont insuffisants !

S’il est vrai que la franchise peut être un formidable levier financier, accélérateur de développement, stimulé par la combinaison vertueuse du savoir-faire et de l’assistance du franchiseur et de l’engagement personnel et financier du franchisé, elle ne peut être réduite à ce théorique effet démultiplicateur et facilitateur de croissance.

La franchise doit avant tout être comprise comme une incomparable machine à faire réussir qui qui ne peut fonctionner que si le franchiseur est concentré sur la réussite de chaque franchisé.

Car sans cette concentration obsessionnelle du franchiseur sur la réussite de chaque franchisé, la franchise peut aussi devenir une implacable machine à détruire.

La définition de la franchise

Le Code de Déontologie donne la définition de la franchise

« La franchise est un système de commercialisation de produits et/ou de services et/ou de technologies, basé sur une collaboration étroite et continue entre des entreprises juridiquement et financièrement distinctes et indépendantes , le franchiseur et ses franchisés, dans lequel le franchiseur accorde à ses franchisés le droit, et impose l’obligation d’exploiter une entreprise en conformité avec le concept du franchiseur. »

La définition souligne la grande particularité de la franchise : indépendance juridique et financière d’un côté et obligation faite au franchisé d’exploiter son entreprise comme le lui impose son franchiseur !!

La contradiction fondatrice

Franchiseurs et franchisés se perdent trop souvent dans cette contradiction fondatrice :

· Le franchiseur pense qu’il « est chez lui » et fort de cette conviction décide sans impliquer
· Le franchisé, souvent ancien salarié, enfin émancipé de la tutelle d’une hiérarchie, s’imagine qu’il peut faire ce qu’il veut et clame son droit de contester et de s’opposer, en toute impunité, au franchiseur

Deux facteurs compliquent encore d’avantage la relation entre franchiseur et franchisé :

· L’insuccès du franchisé : parfois très tôt dans la vie d’un réseau
· L’ouverture du capital du franchisé à des investisseurs, après quelques années de vie du réseau….. et, à priori, un succès avéré.

On comprend à quel point la franchise est une « machine » sophistiquée faite de rouages multiples et fragiles, dont la complexité est d’autant plus grande que chaque franchiseur doit inventer l’essentiel de ces rouages, notamment en les moulant autour de sa culture personnelle qui sera la base de ce qui constituera la culture du réseau.

Travail d’Hercule, pour le jeune franchiseur qui ne sait même pas qu’il doit créer ces rouages !

Car tout cela est à construire à un moment de la vie du réseau où même les basiques (manuel opérationnel, système de reporting….) n’existent pas et où la seule préoccupation du franchiseur est de signer les premiers contrats !!!!

Caillouteux et pentu est le chemin !! D’autant plus caillouteux que c’est souvent parmi ces premiers franchisés recherchés avec tant de vigueur et d’espoir que vont se trouver les premiers contentieux.

Le premier chantier est la définition précise des rôles et des « prés carrés » de chaque acteur, définition sans laquelle la complexe machine de la franchise ne peut fonctionner efficacement.  Cette définition doit être faite :

· Dès le début du réseau : pour optimiser la gestion de la relation « franchisé – franchiseur »
· Avant l’arrivée des nouveaux actionnaires : pour rendre efficace la gestion de la relation « franchiseur - nouveaux actionnaires » et « nouveaux actionnaires – franchisés » dans un objectif de création de valeur… pour tous !

Car on ne peut plus se satisfaire du « financièrement et juridiquement indépendants »  et du « franchiseur qui accorde le droit et impose l’obligation…. ».

Pour être capable de résoudre les problèmes liés à la « contradiction fondatrice »,  le franchiseur doit être capable d’imaginer et de faire vivre les modes de fonctionnement du réseau qui permettent à la fois de préserver les fondamentaux du concept et de l’ADN du réseau et de donner envie à chaque franchisé d’être une force de proposition qui, au-delà de la mise en œuvre fidèle du concept, participe à l’évolution du concept.

La gouvernance de réseau

Ce rôle essentiel du franchiseur place ce dernier au cœur de la problématique de gouvernance d’entreprise, en l’occurrence de gouvernance de réseau d’indépendants.

Parmi les nombreuses définitions de la gouvernance, nous en avons retenu une qui nous semble particulièrement pertinente :

« On peut définir la gouvernance comme la coordination efficace quand pouvoir, ressources et information sont vastement distribués entre plusieurs mains. Elle est tout à la fois une manière de voir, un outil de diagnostic, un instrument d'intervention clinique: elle aide à détecter et préciser la nature des failles, à comprendre d'où viennent  les dérapages, et à mettre au point des correctifs appropriés. »

Gilles Paquet, Gouvernance, mode d'emploi, Liber, Montréal 2008

La gouvernance de réseau nécessite donc que soient définies et mises en place, les ressources humaines, les ressources financières et les outils indispensables à la création et à la croissance d’un réseau dans cet objectif de « coordination efficace ».

La gouvernance de réseau nécessite aussi que soient définies les valeurs de l’enseigne tout comme les moyens de partager ces valeurs avec tous les acteurs du réseau.

Les valeurs de l’enseigne

Au départ, ces valeurs sont le reflet de la philosophie personnelle du franchiseur et de son approche de la vie des affaires. Elles montrent aussi sa connaissance des particularités du management d’un réseau de franchise et sa volonté de mettre en place la forme adaptée de « partage du pouvoir ».

Elles comportent la définition de trois groupes d’objectifs :

· Les objectifs de rentabilité de chaque franchisé, avec la reconnaissance explicite du droit de chaque franchisé à un juste retour sur son investissement et son implication
· Les objectifs de participation réelle des franchisés à la vie du réseau
· Les objectifs de création et de maintenance des supports indispensables à l’exploitation du concept et à la vie du réseau

Les objectifs de rentabilité du franchisé et du franchiseur

La rentabilité du franchisé

La rentabilité est définie en termes de temps de retour sur capitaux propres et de rentabilité des capitaux propres après les 2 ou 3 années de lancement. Ces mesures de la rentabilité intègreront dans les charges une raisonnable rémunération du franchisé.

Cette façon de procéder reconnait le principe de la triple rémunération du franchisé :

· La rémunération de son travail : le temps passé au quotidien
· La rémunération des capitaux propres investis et du risque pris
· La constitution d’un patrimoine : la raisonnable valeur de revente de son entreprise ou de son point de vente.

Donner des chiffres est évidemment compliqué, surtout dans la phase de lancement du réseau. Il ne s’agit surtout pas d’avancer en se drapant d’illusoires prévisionnels qui sont surtout des boomerangs qui se retournent vite contre leur auteur : ils constituent l’essentiel des contentieux.

Dans la phase de démarrage seuls les chiffres du ou des pilotes existent. On ne peut utiliser que ces chiffres, dans la plus grande sincérité et la plus totale transparence.

La rentabilité du franchiseur

Elle est aussi légitime et indispensable que la rentabilité du franchisé. Le franchiseur ne doit pas en faire un sujet tabou, il doit, au contraire, en faire un argument au service de la pérennité du réseau : un réseau n’a jamais réussi si la rentabilité du franchiseur était chancelante.

Cette rentabilité passe :

· Par des droits d’entrée suffisamment élevés pour couvrir au moins ce que coûte la recherche, la formation et le lancement d’un franchisé
· Par des royalties qui permettent la mise en place d’une organisation suffisante au service des franchisés
· Par des redevances de communication qui fournissent au réseau les moyens indispensables pour faire connaître l’enseigne et créer du flux dans les points de vente

Les objectifs de participation des franchisés à la vie du réseau

Le Code de Déontologie de la Franchise pose un principe fondamental de la relation de franchise : « le franchiseur donne le droit et impose l’obligation d’exploiter une entreprise en conformité avec le concept ».

Nonobstant ce principe, les acteurs de la franchise constatent tous les jours que le franchiseur ne peut agir en despote éclairé qui déverse sa sagesse sur ses franchisés sous la forme de promotions, nouveaux produits, évolutions du concept ….. sans impliquer ses franchisés.

Surtout que nombre de franchiseurs se comportent plutôt en despote et oublient qu’ils doivent aussi être éclairés et que les doux agneaux dont le franchiseur avait rêvé, sont prompts à se transformer en loups agressifs si le franchiseur ne tient pas son rôle.

Car les franchisés sont tout sauf des thuriféraires béats dont l’unique but dans la vie est d’acquiescer aux choix « incontestables » de leur franchiseur.

Cette caractéristique est de plus en plus vraie avec l’arrivée massive sur le marché de la franchise d’anciens cadres dirigeants quinquagénaires qui, pour beaucoup d’entre eux, ont parfois plus d’expérience dans le management d’entreprise que leur propre franchiseur.

La participation des franchisés à la vie du réseau est donc un facteur clé de succès d’un réseau. Elle s’exprime à travers les instances d’échanges et de concertation que le franchiseur doit mettre en place, non pas comme des chambres d’approbation mais comme des lieux d’échanges et de construction de l’avenir du réseau, comme autant d’opportunités d’utiliser les talents des franchisés au service de l’intérêt du réseau et de la rentabilité de chacun de ses membres.

C’est exactement le sens de l’annexe 4 du Code de Déontologie :

· « Le franchiseur doit favoriser un dialogue permanent et structuré entre son organisation et les franchisés en favorisant des instances de concertation.
· Le franchisé doit s’impliquer dans la vie du réseau et contribuer à l’intérêt général du réseau ».

Les objectifs de création des supports de mise en œuvre du concept et de pilotage du réseau

Les supports de mise en œuvre du concept

Il s’agit de tous les outils liés à la description et à la transmission du savoir-faire.

Rappelons que le savoir-faire doit-être « secret, substantiel et identifié » (Code Européen de Déontologie de la Franchise). La dernière caractéristique du savoir-faire devant permettre de démontrer la réalité des deux premières.

Les supports peuvent avoir toutes les formes imaginables : du simple classeur à la plateforme internet collaborative. Au franchiseur de choisir.

Les moyens et supports de pilotage du concept

Les moyens sont essentiellement constitués de l’organisation du franchiseur, notamment de l’équipe d’animateurs.

Les supports de pilotage sont directement générés par le système informatique du réseau, système qui est d’une importance stratégique.

Sans informatique, pas de réseau !!

Ce système est à la base des flux d’informations et de produits. Les flux d’informations sont construits autour :

· Des indicateurs avancés de la marche des affaires qui doivent permettre d’identifier « au jour le jour » les forces et faiblesses du réseau et de réagir « dans les 24 heures »
· Des indicateurs de suivi de la rentabilité de chaque établissement
· Des comparaisons pertinentes qui permettent à chaque franchisé de se situer dans le réseau sans pour autant que ses propres chiffres ne soient publiés ou qu’il n’ait accès aux chiffres des autres membres du réseau

Il appartient au franchiseur d’identifier le système informatique qui permettra cette circulation des flux mais aussi d’extraire de ces milliers de chiffres, les « inform’actions », les informations  pertinentes qui permettront l’action, correctrice des mauvais résultats ou amplificatrice de bons résultats.

On le voit, savoir-faire et réussite démontrée sont insuffisants pour assurer la pérennité du réseau à construire.

Les recommandations faites aux futurs franchiseurs qui, naturellement portent sur ces deux points, doivent impérativement être complétées par les recommandations qui concernent le fonctionnement du futur réseau dans une optique de maximisation de l’efficacité créée par la combinaison de savoir-faire transmis par le franchiseur et d’implication, au-delà de la moyenne, du franchisé.

Il est difficile de faire admettre les deux premiers points aux futurs franchiseurs. Il est encore plus difficile de leur faire intégrer dans leurs préoccupations « courter mistes », cette obligation du moyen terme qu’ils doivent pourtant concevoir dès le début de la vie de leur réseau : les règles de gouvernance.

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