Dossiers de la franchise

Sélection des Faits marquants 2010 en Droit de la Distribution et du Commerce

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Règlement n°330-2010 et lignes directrices relatifs aux accords verticaux
Les nouvelles règles communautaires applicables aux réseaux de distribution

Les deux principaux textes adoptés en 2010 pour les réseaux de distribution sont le règlement n°330-2010 du 20 avril 2010 concernant l'application de l'article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées, et les lignes directrices qui l’accompagnent. Ils ont remplacé, le 1er juin 2010, le précédent règlement n°2790/1999 et ses lignes directrices.

Ces textes, applicables jusqu’au 31 mai 2022 intéressent l’ensemble des réseaux, y compris ceux de taille modeste n’impactant pas le commerce entre Etats membres, dès lors que – à l’instar des précédents – même lorsqu’ils ne sont pas applicables, ils servent de guide d’analyse à l’Autorité de la concurrence et aux juridictions nationales pour évaluer la licéité contestée d’un accord de distribution au regard du droit de la concurrence.

S’il n’est pas envisageable d’évoquer, même succinctement, l’ensemble des modifications introduites par le nouveau règlement communautaire et ses lignes directrices, on en présentera néanmoins les principales mesures.

En premier lieu, la Commission a souhaité prendre en compte la puissance d’achat croissante de certains distributeurs (notamment dans la grande distribution) et a donc instauré un double seuil de parts de marché. Ainsi, alors qu’auparavant il suffisait de s’assurer pour pouvoir bénéficier des règles d’exemption du règlement que le fournisseur disposait d’une part de marché inférieure à 30%, désormais la part de marché du distributeur doit également être inférieure à ce seuil. Si cette disposition a ému les distributeurs, son impact pratique doit néanmoins être relativisé dès lors que la part de marché du distributeur n’est pas calculée sur le marché sur lequel il vend ses produits, mais sur le marché sur lequel il les achète.
Or, sur le marché de l’approvisionnement, la très grande majorité des distributeurs détient une faible part de marché, de loin inférieure à 30%, et devrait donc continuer à bénéficier de l’exemption communautaire.

En second lieu, les lignes directrices – dont on rappellera qu’elles n’ont juridiquement aucun caractère contraignant – ont abordé la question désormais centrale pour les réseaux de distribution que constitue l’accès de leurs distributeurs à l’Internet. Sur ce point, la Commission européenne a tout d’abord confirmé qu’une vente en ligne constitue en principe une vente passive. Ainsi, les freins posés à ces ventes passives constitueraient des restrictions caractérisées, qui excluraient l’accord de distribution du bénéfice de l’exemption. La Commission considère néanmoins que certaines activités du distributeur sur Internet constituent des ventes actives, notamment lorsque celui-ci développe des efforts pour atteindre spécifiquement un territoire ou une clientèle particuliers.

Par ailleurs, la Commission confirme que l’ouverture d’un site Internet ne constitue pas la création d’un nouveau point de vente.

Elle réaffirme également la nécessité pour la tête de réseau de ne pas discriminer les ventes en ligne par rapport aux ventes physiques. Sans exiger que les obligations imposées à chaque forme de distribution soient strictement identiques, celles imposées aux distributeurs en ligne doivent être « globalement équivalentes » à celles imposées pour la vente dans un point de vente physique.

La Commission a en outre confirmé la possibilité pour les têtes de réseaux d’imposer aux distributeurs des normes de qualité sur leur site Internet et a autorisé l’exclusion des pure players, en admettant que le fournisseur puisse exiger la détention par ses distributeurs d’un point de vente physique.

Commission d’Examen des Pratiques Commerciales, avis n°10-15
Application de la LME à certaines relations fournisseurs / distributeurs

La Commission d’Examen des Pratiques Commerciales, qui depuis l’entrée en vigueur de la LME s’efforce régulièrement de répondre aux questions des opérateurs, a rendu le 4 novembre 2010 un avis portant sur l’application de la LME à certaines relations entre fournisseurs et distributeurs. Elle avait en effet été saisie en début d’année 2010 par une organisation professionnelle souhaitant obtenir la position de la CEPC sur trois pratiques rencontrées dans les relations de ses adhérents avec la grande distribution.

En premier lieu, la CEPC se penche sur la question des tarifs applicables entre le fournisseur et le distributeur lorsque ces derniers ne sont parvenus à aucun accord les concernant à l’issue des négociations commerciales annuelles. En effet, au moment de la négociation de la convention unique annuelle ou du nouveau contrat-cadre, en application de l’article L.441-7 du code de commerce, les parties sont amenées à évoquer les conditions de ventes des produits (qui doivent figurer dans cette convention) et les tarifs appliqués aux produits vendus par le fournisseur au distributeur.

La CEPC rappelle ainsi aux opérateurs que la conclusion de la convention annuelle est obligatoire, et qu’en principe les relations devraient donc être couvertes par celles-ci. Elle indique en conséquence qu’en l’absence de convention, aucun contrat de vente ne peut se former. Dès lors, le distributeur ne devrait pas passer commande, et s’il le fait le fournisseur ne doit pas le livrer. Cette recommandation est fondamentale, dès lors qu’en poursuivant la relation commerciale, sans que celle-ci soit couverte par une convention unique (conclue avant le 1er mars), les parties encourent une amende de 375.000 euros (la peine de 75.000 euros prévue par l’article L.441-7 du code de commerce étant quintuplée s’agissant de personnes morales).

Pour les hypothèses dans lesquelles des commandes et livraisons seraient intervenues, la CEPC réserve la décision aux juges du fond.

Ceux-ci seront en effet seuls à même de déterminer les conditions tarifaires applicables entre les parties, en fonction des faits de l’espèce et pourront ainsi soit considérer que les parties se sont entendues sur les nouvelles conditions tarifaires, soit maintenir celles applicables pour la période précédente.

La CEPC se prononce également sur la pratique consistant, pour la tête de réseau, à conditionner le référencement des fournisseurs à la souscription d’une convention de services avec un prestataire tiers, prévoyant la centralisation de leurs paiements. Elle considère qu’une telle obligation de couplage d’obligations pourtant distinctes (fourniture de produits et centralisation des paiements) est susceptible de constituer un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au sens de l’article L.446-2, I, 2° du code de commerce (notamment sanctionné d’une amende civile de 2 millions d’euros), voire un abus de dépendance économique au sens de l’article L.420-2 du code de commerce, sous réserve qu’une telle situation de dépendance économique puisse être établie.

Enfin, la CEPC, en répondant (par la négative) à l’interrogation de l’organisation professionnelle quant à la possibilité de minorer l’assiette des ristournes avec les NIP (nouveaux instruments promotionnels), revient sur la qualification à retenir pour les contrats prévoyant ces NIP. Elle rappelle en effet que si les contrats par lesquels le fournisseur confie au distributeur la mise en œuvre des NIP constituent en principe des mandats, dans un certain nombre de cas les conditions de validité du mandat ne sont pas remplies.

En effet, en particulier, il est rare que les distributeurs indiquent aux consommateurs qu’ils agissent au nom et pour le compte des fournisseurs, les instructions des fournisseurs sur les conditions de l’opération ne sont pas toujours respectées et les redditions de comptes au fournisseur ne sont parfois pas effectuées. Dans un tel cas, la CEPC précise que le contrat pourra être requalifié en contrat d’entreprise.

Cass. civ. 1, 15 novembre 2010 (n°09-11161)
De la véritable portée de la directive sur les pratiques commerciales déloyales

La directive sur les pratiques commerciales déloyales du 11 mai 2005 a été transposée en droit français par la loi du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs (loi dite « Chatel 2 ») ; la LME a par la suite parachevé ce processus de transposition.

Cette réforme est fondamentale car elle révolutionne la méthode permettant de qualifier une pratique de déloyale ; il ne s’agit plus en effet de procéder – comme par le passé – par voie de dispositions abstraites et générales.

La loi procède au contraire par voie d’énumérations précises, concrètes et détaillées.

En droit interne, l’article L.120-1-I du code de la consommation dispose-t-il : « I.- Les pratiques commerciales déloyales sont interdites. Une pratique commerciale est déloyale lorsqu'elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu'elle altère, ou est susceptible d'altérer de manière substantielle, le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l'égard d'un bien ou d'un service. Le caractère déloyal d'une pratique commerciale visant une catégorie particulière de consommateurs ou un groupe de consommateurs vulnérables en raison d'une infirmité mentale ou physique, de leur âge ou de leur crédulité s'apprécie au regard de la capacité moyenne de discernement de la catégorie ou du groupe II.-Constituent, en particulier, des pratiques commerciales déloyales les pratiques commerciales trompeuses définies aux articles L. 121-1 et L. 121-1-1 et les pratiques commerciales agressives définies aux articles L. 122-11 et L. 122-11-1».

Ce texte a une portée générale puisqu’il vise les relations contractuelles et extracontractuelles.

Il faut relever que ce dispositif est par ailleurs utilement complété par les articles L.122-1 à L. 122-15 du code de la consommation relatifs aux pratiques illicites.

Il aura toutefois fallu attendre l’arrêt rendu le 25 novembre 2010, pour que chacun puisse (et doive !) désormais mesurer toute l’ampleur de ces textes, qui ne peuvent être appréhendés sans revenir sur l’inévitable réforme engagée par la directive de 2005, texte supérieur dans la hiérarchie des normes que nous connaissons.

En l’espèce, un consommateur ayant acheté un ordinateur équipé de logiciels préinstallés avait assigné le vendeur pour obtenir le remboursement du seul prix de la licence, puisqu’il entendait conserver par ailleurs l’ordinateur proprement dit.

Le juge du fond considérait-il qu’il s’agissait d’un seul et même produit et avait par conséquent rejeté la demande au motif que l’achat conclu entre les parties portait sur un type d’ordinateur prêt à l’emploi et que le remboursement ne pouvait porter que sur les produits pris dans son ensemble.

La Cour de Cassation casse cette décision au visa de « l’article L.122-1 du code de la consommation, interprété à la lumière de la directive 2005/29/05 du 11 mai 2005 » ; elle retient que le juge du fond aurait dû rechercher si l’opération commerciale en cause entrait dans le champ d’application de cette Directive, donc si la pratique dénoncée était ou non « contraire aux exigences de la diligence professionnelle » et « susceptible d’altérer substantiellement le comportement économique du consommateur ».

Autrement dit, quand bien même l’opération ne serait pas une vente liée, le juge ne peut s’abstenir de rechercher le caractère déloyale d’une telle pratique au regard des dispositions supérieures de la directive, au travers desquelles le texte national, en l’espèce l’article L.122-1 précité, doit nécessairement être interprété.

Il serait dangereux de ne pas percevoir la portée de la décision ainsi rendue : toute pratique commerciale, quelle qu’en soit la nature, est susceptible d’être qualifiée de pratique commerciale déloyale.

Autorité de la concurrence, avis n°10-A-26 du 7 décembre 2010
Protection de la concurrence dans le secteur de la distribution alimentaire

L’Autorité de la concurrence a fait le bilan de l’état de la concurrence dans le secteur de la distribution alimentaire et émis des préconisations exposées dans son avis du 7 décembre 2010.

Le degré de concentration du secteur est jugé préoccupant par l’Autorité, qui relève notamment qu’en matière de commerce de proximité, dans environ 70 % des communes étudiées, s’affrontent au maximum quatre opérateurs. S’agissant du secteur des hypermarchés, il s’avère que 30 % des zones de chalandises voient s’affronter quatre opérateurs ou moins.

Au regard de ce constat, l’Autorité a recherché les causes de cette concentration. Or, selon l’avis du 7 décembre 2010, les obstacles à l’entrée du marché de nature règlementaire (en matière d’urbanisme commercial) « sont aggravés par les comportements des opérateurs en place ».

Selon l’Autorité, en effet, la sanction des opérateurs par le biais du droit positif de la concurrence, et notamment par le biais de la théorie de l’effet cumulatif, dans le cadre de la poursuite des pratiques anticoncurrentielles, serait longue et incertaine.

Aussi, l’avis de l’Autorité de la concurrence fait l’état des clauses dont elle estime qu’elles participent à la restriction de la concurrence sur le marché de la distribution alimentaire, et formule à leur sujet des recommandations allant de leur encadrement à leur interdiction pure et simple.

Pour la mise en œuvre de ces recommandations, l’Autorité fait appel en premier lieu aux opérateurs eux-mêmes, en leur indiquant que ces préconisations pourraient « dans un premier temps, être mises en œuvre avec le concours des organismes professionnels ».

A défaut pour les opérateurs de suivre ces recommandations, l’Autorité peut invoquer une intervention du législateur.

Ayant écarté les arguments opposés à ces recommandations par les acteurs du secteur, l’Autorité préconise, s’agissant des relations entre les groupes de distribution et leurs affiliés :

  • la conclusion d’un accord cadre unique complété, le cas échéant, de contrats d’application;
  • la communication du projet d’accord cadre unique le plus en amont possible des pourparlers ;
  • le renforcement de l’information précontractuelle (en étendant l’information relative au contenu du contrat à l’intégralité de la relation contractuelle et notamment au contrat de franchise, au contrat d’approvisionnement, au contrat de bail, au contrat de location
  • gérance, aux statuts de la société d’exploitation et au pacte d’associés);
  • l’harmonisation de la durée et des modalités de résiliation de l’ensemble des contrats constitutifs d’une même relation;
  • l’interdiction des droits de priorité (droits de préemption et de préférence) au profit des têtes de réseau;
  • la limitation des clauses de non-réaffiliation et non-concurrence post-contractuelles dans les contrats d’affiliation, les statuts des sociétés communes et/ou dans les pactes d’associés à une durée de un an et au magasin objet du contrat ;
  • l’étalement du paiement des droits d’entrée en lieu et place de leur paiement différé ;
  • l’encadrement des prises de participation des groupes de distribution au capital des sociétés d’exploitation de leurs magasins affiliés;
  • l’étalement du paiement des droits d’entrée en lieu et place de leur paiement différé;
  • l’encadrement des prises de participations des groupes de distribution au capital des sociétés d’exploitation de leurs magasins affiliés.

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