Dossiers de la franchise

La master franchise à la mode américaine ?

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La relation de franchise réunit un franchiseur et un franchisé: le premier donne au second « le droit et lui impose l’obligation d’exploiter une entreprise en conformité avec le concept ». Le premier transfère au second le savoir faire lié à l’exploitation du concept et lui apporte assistance tout au long de la relation contractuelle.

La relation de master franchise introduit un troisième acteur, le master franchisé, un intermédiaire entre le franchiseur et le franchisé.

Le franchiseur transfère le savoir faire au master franchisé qui lui-même se charge de trouver dans son pays les franchisés intéressés. Il deviendra le « franchiseur » de ces franchisés et porte toutes les obligations du franchiseur à leur égard : obligation d’information pré contractuelle, transmission du savoir faire et assistance.

Les franchiseurs nord-américains ont souvent recours à la master franchise quand ils veulent s’implanter à l’étranger. Ils le font depuis des années dans une grande partie du monde. Ils le font en mettant en œuvre des pratiques bien étranges.

L’information pré contractuelle
Les franchiseurs nord-américaines, US et canadiens, ont une grande et longue expérience de la franchise. Dans ces pays la franchise est très codifiée, l’obligation d’information pré contractuelle est très contraignante.

Les équivalents nord-américains du DIP imposent un cadre incroyablement précis et informatif pour le candidat franchisé : « Franchise Disclosure Act » canadien ou « Uniform Franchise Offering Circular - UFOC” américain, devenu le « Franchise Disclosure Document - FDD » en juillet 2007.

Le « North American Securities Administrators Association (NASAA) » a conçu un mode d’emploi pour expliquer comment le FDD doit être réalisé : ce mode d’emploi fait 72 p ! Le FDD lui-même, fait souvent 500 à 1000 pages. Il couvre un champ particulièrement large d’informations : la présentation du franchiseur et de son équipe, leur expérience, la liste de cas devant les tribunaux, l’intégralité des paramètres financiers, les exclusivités d’approvisionnement, les obligations du franchisé, celles du franchiseur, les conditions de renouvellement, de cession, une copie du contrat, des mentions obligatoires : mise en garde contre le risque lié à la création d’entreprise, mise en garde contre des cours d’arbitrage qui sont situées en dehors de l’état d’origine du candidat…

Tous les franchiseurs américains savent construire ce document et le remettent à chacun des candidats avant la signature du contrat…. aux USA.

Pourquoi ne remettent-ils pratiquement aucune information à leur candidat master en France ? Pourquoi les candidats doivent-ils demander les informations dont ils ont besoin ?

Le modèle économique
La franchise c’est le partage des profits entre le franchiseur et le franchisé. Droit d’entrée et royalty constituent la juste rémunération du franchiseur. Le profit revient au franchisé. Dans la master franchise les profits sont partagés en 3 ! Paradoxe, car personne ne sait comment le concept sera accueilli dans le pays d’accueil, quel sera le CA, quel sera le profit à partager, quel sera le CA du réseau…

Pourquoi le franchiseur réclame-t-il 500000$, 1 million€ avant de connaître les résultats que le concept peut générer ?

Le transfert de savoir faire
Un franchiseur doit maîtriser deux métiers. Le métier lié au concept et le métier lié à la création et à l’animation du réseau. Ce deuxième métier est complexe, il est peu enseigné, il nécessite des connaissances dans des domaines très différents : la recherche de franchisés, l’animation du réseau, l’évolution du concept, le contrat, le reporting réseau, le marketing, la constitution de sa structure… Sans la maîtrise de ce deuxième métier, il est impossible de réussir le développement d’un réseau.

Pourquoi le franchiseur ne forme-t-il jamais le master à ce métier de franchiseur ? Pourquoi le franchiseur ne remet-il pas de manuel d’organisation qui décrit le savoir faire lié au métier de franchiseur ?

L’adaptation du concept au pays d’accueil
Aucun concept ne peut changer d’univers culturel sans d’inévitables adaptations, des adaptations qui peuvent porter sur tous les aspects du concept : le niveau de prix, les niveaux de salaire, la concurrence, l’offre produits, la communication, le modèle économique…. Sans ces adaptations, le concept ne peut réussir.

Ces adaptations ne peuvent être improvisées. Pour les réussir, il est indispensable d’exploiter le concept dans au moins un pilote.

Pourquoi le franchiseur ne considère-t-il pas l’adaptation du concept comme une priorité stratégique ? Pourquoi le franchiseur n’impose-t-il pas au master franchisé d’exploiter le concept dans un pilote afin d’identifier les nécessaires adaptations?

Le tribunal compétent Le franchiseur US veut s’implanter dans un pays étranger, il veut faire des profits dans ce pays, il veut que les citoyens de ce pays « consomment » son concept.

Pourquoi impose-t-il systématiquement un tribunal ou une cours d’arbitrage américains ? Pourquoi le franchiseur ne veut-il pas respecter la règlementation locale ? Pourquoi ne remet-il pas un DIP au candidat master ? Pourquoi, alors qu’il impose la loi américaine, ne remet-il presque jamais le Franchise Disclosure Document ?

L’assistance internationale

Le franchiseur doit apporter une assistance permanente pendant toute la durée du contrat à ses franchisés. Cette assistance est indispensable pour une mise en œuvre optimale du concept. Il ne viendrait à l’idée d’aucun franchiseur de la contester ou d’argumenter qu’elle n’est pas due au franchisé.

Pourquoi, alors que la fonction du master est bien plus complexe que celle du franchisé, pourquoi le franchiseur n’inclut-il pas dans ses obligations, l’obligation d’assistance ? Pourquoi, si le master a besoin d’aide, doit-il toujours payer jusqu’à 1000$ par jour, des déplacements en business class, le tout, en plus des royalties qu’il reverse au franchiseur ?

La langue
L'article 2 de la loi du 4 août 1994, dite loi Toubon, stipule : « Dans la désignation, l'offre, la présentation, le mode d'emploi ou d'utilisation, la description de l'étendue et des conditions de garantie d'un bien, d'un produit ou d'un service, ainsi que dans les factures et quittances, l'emploi de la langue française est obligatoire. »

Pourquoi les contrats de master ne sont-ils jamais traduits ? Pourquoi le master doit-il prendre à sa charge la traduction du manuel opérationnel ? Pourquoi la propriété de cet investissement coûteux revient-elle souvent au franchiseur ? Pourquoi le franchiseur fait-il écrire dans le contrat de master que personne dans son organisation ne parlera jamais français ?

Les exemples listés ci-dessus sont tous issus de situations que nous avons eues à traiter. Ces exemples ne doivent remettre en cause le principe de la master franchise, ils soulignent certains points que tout candidat doit examiner avec attention et certaines pratiques qu’il ne doit pas accepter.

Ils doivent susciter la prudence, pas la méfiance. Ils doivent inciter à bien s’informer, y compris sur la réglementation américaine. Ils doivent inciter à se faire conseiller pour comprendre toutes les implications du contrat de master franchise rédigé par un avocat américain.

Ils doivent aussi ne pas faire oublier qu’il faut « tout » négocier. Les montants en jeu, les clauses de contrat, le support apporté par le franchiseur… Autant les pratiques américaines sont étranges, autant, les interlocuteurs américains sont ouverts à la négociation lorsqu’ils ont à faire à des partenaires potentiels crédibles.

La master franchise avec un franchiseur américain ? Prudence, négociation mais aussi coup de cœur envers des concepts riches et créatifs et enthousiasme et respect face à la réussite de ces concepts dans leur pays d’origine.

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